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ShoGaNai 3.11, Rodolphe Alexis

Pièce réalisée pour 2eme édition de la « Journée de la Création Radiophonique » en hommage aux victimes de la triple catastrophe nipponne du 11 mars 2011.
This piece was made ​​for 2nd edition of the « Radiophonic Creation day » in tribute to victims of triple Japanese disaster – March 11, 2011.

« Lorsque nous n’avons plus de moyen d’action sur le cours des choses. Malgré nos prévisions, malgré nos précautions et quelles qu’en soient nos connaissances, nous ne pouvons plus rien. « Il en est ainsi » . Force nous est d’accepter et de faire face, dignement, à l’adversité. « Shoganaï  » disent les japonais. » R.Alexis

« When we have no means of influencing the course of events. Despite our expectations, despite our precautions, and whatever our knowledge, we cannot do anything else.
So we have to accept and stay with dignity in front of adversity. « Shoganai » say the Japanese. »  March 11, 2011.

Dans le cadre de l’enquête »Engagement, Résistance, Usage Social » initiée par la revue l’Autre Musique, sur la participation au projet de Dominique Balaÿ « Meanwhile, in Fukushima », voici les réponses au questionnaire de Rodolphe Alexis pour sa pièce « Shogonai 3-11″.

Pourquoi avez-vous choisi de participer au projet « Meanwhile, in Fukushima » ? En quoi « fukushima » est-il un événement pour lequel peut s’engager ?

J’ai répondu à l’invitation de Dominique Balaÿ après quelques échanges par mails sur la situation au Japon, son futur voyage et le projet. Il se trouve que j’avais déjà fait une pièce s’inspirant directement des événements et que la situation me préoccupait doublement à la fois en tant que citoyen très méfiant à l’égard des médias et du nucléaire mais également de façon plus personnelle puisque mes liens avec le Japon sont aussi d’ordre intime et familial.
Je ne comprends pas très bien votre question “En quoi Fukushima est-il un événement pour lequel on peut s’engager ?” Y aurait-il des événements pour lesquels on ne “peut pas” s’engager ? où y aurait-il des événements pour lesquels cela ne vaut pas la peine de s’engager ? Si votre question sous-entend un certain degré moral, un niveau de risque, ou la gravité d’une situation, alors oui, allez-y, vous pouvez vous engager. Au-delà des discours officiels nous sommes bel et bien face à la plus grave catastrophe écologique de l’histoire. Elle nous impacte tous à différents degrés et continuera de le faire pendant plusieurs centaines d’années. Le tout est de savoir si cela va aller en empirant ou non avec en botte secrète, quelques scenarii catastrophes malheureusement statistiquement plausibles, concernant l’issue de la piscine du réacteur N° 4 et ses barres de combustible Mox au plutonium (merci Areva) juchées à 30 m du sol à la merci de la moindre secousse, sans sarcophage de confinement pour la (nous) protéger… À un degré moindre, il y a aussi la pollution directe des radionucléides qui ont été libérés dans l’océan Pacifique sans aucun contrôle et qui se sont disséminés partout avec les courants. Qui ira tester le nombre de Becquerels/kg que détient le saumon « pêché dans le pacifique nord » que vous allez manger demain ?

Aujourd’hui le plus grave danger pour le peuple japonais, hors contamination par ingestion des aliments contaminés (bien plus grave que par ionisation externe), et sans conteste le discours de désinformation systématique des autorités et de black out total des médias. C’est tout simplement suicidaire. Depuis la catastrophe il n’y a aucune prise en charge des populations vivant en zone contaminée, pire, il y a une volonté de cacher la vérité et de déjouer les volontés individuelles, associatives et citoyennes. À mon sens, le déni est complet, cynique et délibéré. Même les Soviétiques il y a 27 ans n’avaient pas osé traiter leur population ainsi. Pour résumer, dites vous que Tchernobyl était un petit exemple de catastrophe nucléaire à l’échelle du paléarctique Occidental mais que Fukushima est un phénomène croissant à l’échelle mondiale.

Pouvez-vous décrire la pièce que vous avez proposée à « Meanwhile, Fukushima » ?

« Shoganai 3-11″ a été produite pour la « Journée Internationale de la Création Radiophonique » commissionnée par Julia Drouhin et Coraline Janvier de l’association JEL, que je remercie au passage.

Il s’agit d’une composition électroacoustique et minimaliste, directement inspirée des jours qui ont suivi le tsunami du 11 mars . Elle comporte des enregistrements faits au  japon et ici (field recordings), des matières processées et des sons de média japonais, des bribes de discours comme celui de l’empereur, inaudible dans le tumulte.  C’est un amoncellement de textures imbriquées et charriées comme l’a fait la vague, un flux sombre et exsangue exprimant abandon, impuissance et tristesse. À titre personnel la pièce exprime le deuil d’un éventail de possibles et de projets de vie avortés, la violence du danger invisible qu’est cette merde de radioactivité. « Shoganaï » est une expression japonaise que l’on pourrait traduire par « il en est ainsi » et qui sous-entend que lorsque l’ordre des choses vient à nous dépasser, nous n’avons plus de moyen d’action sur elles. Force nous est d’accepter et de faire face alors, dignement, à l’adversité.

Quels sont les choix sonores, de compositions, de dispositifs… qui traduisent votre engagement ? Ou comment votre engagement passe-t-il dans votre musique ?

Je ne suis pas militant, je ne revendique rien directement. Il n’y pas de choix sonores mais des pratiques. Celle du ‘field recording’ par exemple et mon envie d’aller écouter le monde, voir comment il sonne à mes oreilles, comment je vais m’y confronter , m’y faire absorber, comment je pourrai en restituer une forme alliant ressenti, connaissances, expérience, justesse. Dans l’installation, mes préoccupations sont parfois plus directement perceptibles comme dans “lighthouse” – délocalisation sonore d’ambiances portuaires et marines sur la Grand Place de Mons sonnant les heures et rappelant ainsi l’inexorable et lent processus en cours de la montée du niveau des océans avec le réchauffement climatique. Il y eu aussi « Growths growl », le bourdonnement de la croissance, réalisée avec la plasticienne Yoko FUKUSHIMA où une communauté de mouches, pupes et asticots, captés en temps réel étaient contraints d’évoluer en vase clos avec ressources alimentaires limitées… Dans les dispositifs multicanaux de captations en forêt tropicale comme “Dry, Wet, Evergreen” que cela soit en live ou en installation, il s’agit d’une tentative de séduction par l’immersion auditive, à cheval entre le documentaire et la peinture rousseauiste, pour rendre l’écoute “enrichie” des milieux naturels aussi envoûtante qu’elle m’apparaît.
L’engagement vient alors en seconde lecture plutôt de manière évocative qu’intrusive ou démonstrative, mais principalement sur des problématiques environnementales.

http://www.lautremusique.net/wordpress-2.9.1-fr_FR/wordpress/2013/01/02/enquete-meanwhile-in-fukushima-rodolphe-alexis-shogonai-3-11/

http://www.rodolphe-alexis.info/

Fukushima Open Sounds

Un projet artistique mené au Japon et à Fukushima par Dominique Balaÿ. A collaborative sound project reaches out to the people of Fukushima, through music, poetry and sound. contact@websynradio.fr

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